Le jeûne intermittent (JI) a suscité un intérêt croissant ces dernières années en tant que méthode efficace pour perdre du poids et améliorer la santé métabolique. Cependant, des études récentes remettent en question ces bienfaits, en particulier concernant ses effets à long terme sur les risques cardiovasculaires. Cet article examine les preuves scientifiques actuelles et les points de vue des experts sur cette question controversée.
Le jeûne intermittent : qu’est-ce que c’est ?
Le jeûne intermittent est un modèle d’alimentation qui alterne des périodes de jeûne et de prise alimentaire. Parmi les méthodes les plus populaires figure le régime 16/8, qui consiste à manger pendant une fenêtre de 8 heures, suivie d’un jeûne de 16 heures. Cette pratique promet des bénéfices tels qu’une perte de poids, une amélioration de la sensibilité à l’insuline et une réduction des marqueurs de l’inflammation. Cependant, ces bienfaits sont-ils suffisants pour compenser les risques potentiels sur la santé cardiovasculaire ?
Une étude qui pose des questions
Une étude récente, présentée lors du congrès de l’American Heart Association, a jeté une ombre sur la pratique du jeûne intermittent. Selon les résultats, le régime 16/8 pourrait augmenter significativement le risque de décès cardiovasculaire à long terme. Basée sur les données de 20 000 adultes américains suivis sur une période de huit ans, cette étude a montré que les participants qui adoptaient le jeûne intermittent avaient près de deux fois plus de risque de mourir d’une maladie cardiovasculaire par rapport à ceux qui suivaient un régime alimentaire classique.
Ces résultats ont déclenché un vif débat dans la communauté scientifique. Certains experts, dont une équipe internationale de chercheurs sur le jeûne intermittent, ont remis en question les conclusions de l’étude. Ils ont soulevé des préoccupations concernant la méthodologie et les biais possibles, tels que la prise en compte insuffisante des facteurs confondants comme le tabagisme et le contexte socio-économique des participants.
Des résultats à prendre avec précaution
Le Dr Tinh-Hai Collet, médecin adjoint aux Hôpitaux universitaires de Genève, fait partie des chercheurs qui ont critiqué les conclusions de l’étude américaine. Selon lui, les résultats sont préliminaires et n’ont pas encore été soumis à une évaluation par les pairs, un processus standard dans la recherche scientifique pour valider des conclusions. Il souligne également que certains facteurs cruciaux, tels que le taux de fumeurs ou les différences ethniques, n’ont pas été correctement ajustés dans l’analyse.
« Le tabagisme, par exemple, est une des principales causes de mortalité cardiovasculaire, et si ce facteur n’est pas pris en compte, les résultats peuvent être biaisés », explique le Dr Collet. De plus, l’étude n’a pas clarifié si les participants ont suivi un régime de jeûne régulier avec des horaires de repas constants, ce qui pourrait également influencer les résultats.
D’autres spécialistes mettent en avant l’absence d’étude similaire corroborant ces résultats. Bien qu’il soit possible que le jeûne intermittent présente certains risques pour les personnes vulnérables, notamment celles atteintes de diabète ou d’autres maladies métaboliques, il n’existe pas encore de preuves concluantes indiquant un lien direct entre cette pratique et une augmentation significative du risque cardiovasculaire.
Les bienfaits possibles du jeûne intermittent
Malgré ces mises en garde, plusieurs études ont mis en évidence certains bienfaits du jeûne intermittent. Il peut aider à perdre du poids, réduire la pression artérielle et améliorer le contrôle de la glycémie chez certaines personnes. Des recherches sur des modèles animaux ont même montré une augmentation de la longévité grâce au jeûne intermittent, bien que ces résultats ne soient pas encore confirmés chez l’homme.
Cependant, il est important de noter que ces bénéfices varient en fonction des individus et des conditions sous-jacentes. Par exemple, certaines personnes peuvent réagir positivement à la réduction des calories et à l’amélioration de leur métabolisme, tandis que d’autres peuvent ne voir que peu ou pas d’effets notables. De plus, les effets à long terme du jeûne intermittent sur la santé, en particulier sur la santé cardiovasculaire, sont encore mal compris.
Le jeûne intermittent : pas une solution miracle
Claire Pijollet, diététicienne et chargée de cours à la Haute École de santé de Genève, se montre également prudente vis-à-vis de la popularité du jeûne intermittent. Selon elle, bien que certaines études aient rapporté des effets positifs sur le métabolisme, les preuves scientifiques manquent encore, surtout sur le long terme. « Le jeûne 16/8 ne correspond souvent pas aux habitudes alimentaires des individus, ce qui rend difficile l’adoption de cette pratique sur la durée », souligne-t-elle.
De plus, la qualité des aliments consommés pendant les périodes de prise alimentaire joue un rôle crucial dans les bénéfices potentiels du jeûne intermittent. Manger de manière déséquilibrée ou consommer des aliments transformés pendant les heures autorisées peut réduire, voire annuler, les bienfaits attendus de cette méthode.
Conseils pour une pratique saine
Pour ceux qui souhaitent tenter le jeûne intermittent, il est essentiel de suivre quelques règles de base. D’abord, il est primordial de maintenir une bonne hydratation, même pendant les périodes de jeûne. Ensuite, il est recommandé de consulter un professionnel de la santé, surtout si l’on souffre de conditions médicales telles que le diabète ou l’hypertension. Le jeûne intermittent n’est pas adapté à tout le monde, et une supervision médicale est conseillée pour éviter des complications.
Enfin, le choix des aliments pendant les périodes de prise alimentaire doit être judicieux. Les aliments riches en nutriments, les fruits et légumes frais, ainsi que les sources de protéines maigres, sont préférables pour maximiser les effets bénéfiques du jeûne intermittent sur la santé.
Le jeûne intermittent suscite à la fois des espoirs et des préoccupations. Si certains bénéfices ont été documentés, notamment pour la perte de poids et la santé métabolique, des études récentes ont mis en lumière des risques potentiels, notamment sur la santé cardiovasculaire. Comme pour toute méthode de gestion du poids ou de la santé, il est crucial de peser les avantages et les risques, et de consulter des professionnels de santé avant d’adopter de nouvelles pratiques alimentaires.